Extrait de l’article écrit par Jean Bernatchez pour le volume 10 – N°1 de la revue « Apprendre et enseigner aujourd’hui! »
La pandémie de la COVID-19 a un impact sans précédent sur l’organisation scolaire au Québec. Le temps scolaire est un élément important de cette organisation : il désigne le temps généralement imparti aux activités scolaires. Dans cet article, nous expliquons d’abord que le temps scolaire est aussi un temps social. Nous précisons ensuite que la crise de la COVID-19 peut être un élément déclencheur de changement, une occasion de repenser le temps scolaire qui permettra d’en faire un meilleur usage. En effet, ici et maintenant, le temps scolaire est principalement conditionné par la demande sociale et par les contraintes de l’environnement. Dans sa définition et dans son organisation, il serait possible de considérer davantage les conditions optimales qui s’avèrent propices à un apprentissage efficace.
Le temps scolaire est aussi un temps social
À sa plus simple expression, le temps scolaire désigne le temps imparti aux activités scolaires. Ce temps ne peut pas être dissocié du temps social qui rythme les sociétés et qui est conditionné par la culture propre à chacune. Il existe néanmoins des indicateurs universels de la mesure du temps qui transcendent les cultures. Par exemple, la seconde est l’étalon universel de la mesure du temps. Elle est définie par la durée d’un certain nombre d’oscillations liées à l’atome de césium, mais dans le sens commun, elle désigne une durée correspondant à un soixantième d’une minute, qui elle correspond à un soixantième d’une heure. Un jour correspond à 24 heures, soit la durée d’une rotation complète de la Terre sur elle-même. Une année correspond au temps que met la Terre pour tourner autour du Soleil : elle compte 365 jours et un quart. Sur le plan social, c’est plutôt l’année qui est l’étalon le plus commun. On s’en sert par exemple pour désigner l’âge biologique ou pour marquer le début et la fin d’un cycle. L’année conditionne aussi le temps scolaire alors que les programmes scolaires sont conçus pour s’adapter à ce cycle temporel.
Au Québec, une année scolaire débute le 1er juillet et se termine le 30 juin de l’année suivante. Le calendrier scolaire annuel de l’élève comprend 180 jours qui doivent être consacrés aux services éducatifs. Au primaire, la semaine compte 25 heures et les élèves bénéficient quotidiennement de 50 minutes pour le repas du midi, en plus du temps prescrit pour les services éducatifs. Ils disposent de deux périodes de détente de 20 minutes le matin et l’après-midi. Au secondaire, la semaine comprend 25 heures consacrées aux services éducatifs. L’élève dispose de 50 minutes pour le repas et de cinq minutes entre chaque période d’enseignement. Le temps scolaire est principalement conditionné par la demande sociale et par les contraintes de l’environnement: horaire de travail des parents, disponibilité du transport scolaire, rythme particulier d’une société selon son climat, sa géographie, etc. Le temps scolaire au Québec, ici et maintenant, considère assez peu les conditions optimales propices à un apprentissage efficace : les variations périodiques, physiques et psychologiques, propices à l’élève en situation d’apprentissage, qui sont notamment étudiées de façon clinique grâce à la chrono- psycho-biologie. À l’école comme en société se vit aussi le phénomène de l’accélération sociale.
L’accélération sociale s’explique par la théorie de la modernité tardive du philosophe Hartmut Rosa (2012). Il propose trois catégories pour en rendre compte : (1) l’accélération technique est l’accélération des processus orientés vers un but (production, transport, communication) et le temps est perçu comme un élément de compression de l’espace ; (2) l’accélération du changement social est marquée par la vitesse de déclin des produits et des compétences, par des innovations qui impliquent leur obsolescence rapide ; (3) l’accélération du rythme de vie concerne l’augmentation du nombre d’expériences par unité de temps, conséquence du désir de faire plus de choses en moins de temps. L’urgence devient un fait social total (Mauss, 1973) au sens où elle conditionne la vie des personnes, des sociétés et des institutions, comme l’école (Bouton, 2013). Elle est la nouvelle expression de notre rapport au temps marqué par l’immédiateté, l’instantanéité et la vitesse. L’urgence impose de devoir agir sans délai et rapidement. » L’individu se met de lui-même dans une situation de déficit de temps. C’est que la norme de l’urgence n’est jamais aussi efficace que là où elle est intériorisée par les acteurs eux-mêmes, sous la forme d’un chrono-maître intérieur »(Bouton, 2013, p. 68).
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JEAN BERNATCHEZ, Ph. D.
Jean Bernatchez, politologue spécialisé en éducation, est professeur
en administration et politiques scolaires à l’Université du Québec à Rimouski (campus de Lévis). Il est membre du Groupe de recherche interrégional sur l’organisation du travail des directions d’établissement d’enseignement (GRIDE), du réseau Périscope sur la réussite scolaire et il est chercheur associé au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Ses travaux de recherche portent sur l’analyse des politiques de l’éducation, sur la gestion et la gouvernance scolaires.