Devenir enseignant.e au Québec

Pour quelles raisons
 souhaite-t-on devenir enseignante ou enseignant aujourd’hui au Québec ?

Quelles sont les raisons qui motivent aujourd’hui des personnes, souvent jeunes, à embrasser la carrière enseignante ? Cette question est devenue depuis une bonne vingtaine d’années une véritable préoccupation internationale et elle a suscité de nombreuses recherches et enquêtes. En effet, depuis la fin des années 1990, différents phénomènes (retraite massive du personnel enseignant des générations précédentes, perte d’attractivité de l’enseignement, abandon de la profession, etc.) ont fait en sorte qu’un grand nombre de pays vit une situation de pénurie d’enseignants. Or, on sait que le Québec vit la même situation. En réalité, jamais depuis la Révolution tranquille n’a-t-on eu autant besoin d’attirer de nouveaux enseignants dans la profession.

Cependant, si on veut les attirer, encore faut-il connaître les motifs qui les poussent à choisir l’enseignement.

Que sait-on de ces motifs, notamment ceux des jeunes femmes qui constituent depuis longtemps la vaste majorité du personnel enseignant? Ces motifs sont- ils sensiblement les mêmes que ceux des générations précédentes d’enseignants ou en différent-ils ?

Avec plusieurs collègues et assistants de recherche, nous nous intéressons à ces questions depuis la fin des années 1980. Entre 1986 et 2005, nous avons réalisé des récits de vie professionnelle auprès de quelques centaines d’enseignants, dont certains avaient commencé leur carrière dans les années 1950 à 1970, d’autres dans les années 1980 et d’autres à la fin des années 1990 (Tardif, Lessard et Lahaye, 1991 ; Lessard et Tardif, 1996 ; Tardif et Lessard, 2000, etc.). Nous les avons notamment interrogés sur les raisons qui les ont amenés à choisir l’enseignement. Finalement, de 2013 à 2020, avec l’appui financier du CRSH, nous avons suivi une cohorte de 54 nouveaux enseignants dont la grande majorité avait été formée après 2010. Bref, nous disposons donc de plusieurs centaines d’entrevues qui couvrent 70 ans de carrière enseignante au Québec (1950 à 2020) et dans lesquelles des enseignants, débutants ou très expérimentés, nous ont parlé des raisons qui les ont conduits à choisir cette profession.

Le propos de ce texte est de présenter succinctement quelques-uns des premiers résultats de ces diverses recherches. Dans un premier temps, nous allons nous attarder à la recherche la plus récente, celle qui couvre la période de 2013 à 2020, et qui est toujours en cours. Dans un second temps, nous établirons des liens entre les résultats de cette recherche et les précédentes, afin de voir s’il y a des continuités ou des ruptures, sur une période de 70 ans, dans les motifs qui président au choix de la carrière enseignante. Nous tâcherons également de voir si les enseignants du Québec sont différents des enseignants des autres pays sous ce rapport. En conclusion, seront quelques pistes de réflexion sur le choix de la carrière enseignante.

 

Pourquoi choisit-on l’enseignement au Québec?

En 2013-2014, nous avons interrogé 54 nouveaux enseignants sur les raisons à l’origine de leur choix de carrière. Le tableau 1 suivant synthétise leurs réponses. Ces raisons ne sont pas mutuellement exclusives, les enseignants pouvant en invoquer plusieurs parmi elles.

Tableau 1 – Pour quelles raisons êtes-vous devenus enseignants ?

POurquoi choisir l'enseignement au Québec

On constate que le désir de travailler avec des jeunes, le goût de les aider, l’importance des expériences antérieures de travail avec des jeunes, notamment dès l’école primaire ainsi que l’influence familiale et l’influence positive d’enseignants modèles représentent l’essentiel des raisons qui ont amené les personnes interrogées à choisir l’enseignement.

Nous avons également interrogé les enseignants sur le moment de leur vie où le choix de l’enseignement s’est imposé à eux : 23 enseignants (43 %) déclarent avoir choisi l’enseignement assez tardivement, par exemple, pendant ou après leurs études collégiales, ou au début de leurs études universitaires. Mais c’est fréquemment après une expérience de travail avec des jeunes qu’ils découvrent leur intérêt pour l’enseignement :

En fait, je n’ai jamais eu l’intention de devenir enseignant. Cependant, j’ai eu un professeur qui m’a aidé à trouver un emploi d’enseignant d’anglais au Japon. C’est là que j’ai découvert que j’adore enseigner ! Ce que j’ai découvert, c’est que dans les écoles primaires, je peux faire une différence (P26).

Lire la suite sur la revue Apprendre et enseigner aujourd’hui  – Volume 9 N°2

Maurice Tardif
Cecilia Borges

Maurice Tardif est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et fondateur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), un centre d’excellence du FQRSC. Il s’intéresse depuis de nombreuses années à l’évolution de la profession enseignante et à sa formation, ainsi qu’au travail et connaissances des enseignants et des autres acteurs scolaires. De nombreux prix ont couronné ses travaux diffusés en huit langues dans une trentaine de pays.

Cecilia Borges détient un doctorat en sciences de l’éducation de l’Université Pontificale de Rio de Janeiro. Elle est professeure titulaire au département
de psychopédagogie de l’Université de Montréal. Elle intervient également dans le programme d’éducation physique et à la santé (ÉPS), dont elle a été
la responsable pendant une dizaine d’années. Ses recherches portent sur le travail des enseignants sous l’angle de l’appropriation du curriculum, de la collaboration enseignante et des savoirs pédagogiques relatifs à la matière enseignée. Elle étudie actuellement l’insertion professionnelle des éducateurs physiques dans le cadre d’une étude longitudinale qui s’intéresse à leurs conditions de travail, à leur vécu ainsi qu’au processus de leur socialisation professionnelle. Elle est membre régulier du CRIFPE.